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Le 15 mars 2024, la fédération des Pêcheurs et des Fournisseurs des Poissons du Tanganyika dévoile dans un entretien avec la presse que la production de poisson dans le Lac Tanganyika est passée de 30.000 tonnes en 2022 à 20. 000 tonnes en 2023. Cette diminution a causé plusieurs conséquences sur le marché, entre autres, la hausse du prix du poisson et des denrées des premières nécessités. Une situation a poussé plusieurs commerçants de la ville de Kalemie à se tourner vers l’importation de poisson. Enquête.

La plage Kamkolobondo à Kalemie, 21 mars 2024, 15 :30. Crédit photo : Jérôme BATANGE

La fermeture du lac comme déclencheur

En mai 2023, le Burundi, la Zambie, la Tanzanie et la RDC – les pays riverains du Lac Tanganyika ont pris la décision de fermer le lac pendant trois mois, conformément à la charte des Etats-membres de l’autorité du Lac Tanganyika signée en 2021. Aucune activité de pêche n’a été autorisée afin de restaurer les ressources du lac. La pêche reste la principale cause de la baisse significative de la reproduction de poissons dans la région, engendrant même la disparition progressive d’espèces alevines. Une mesure en partie respectée selon les sources de l’autorité du Lac Tanganyika.

La surpêche mais aussi l’utilisation de filets prohibés entraînent la disparition de nombreuses espèces alevines, dont deux poissons très consommés par la population, les nyamunyamu et timpa, indique l’article de Kapalayi Kabemba publié le 8 juin 2023.

C’est la première fois que cette organisation de l’autorité du lac a tenté de mettre en œuvre la charte régionale des pays riverains. Une mesure qui a été mal accueillie par la population riveraine, vivant principalement de la pêche. Ils se sont opposés farouchement à la mesure.

Aussi, le 15 mars dernier, les organisations provinciales des pêcheurs du Tanganyika, ont démontré que le choix de la fermeture du lac en 2023, visant à multiplier les ressources aquatiques, a été pris sans toute forme de communication préalable avec les concernés.

Des descentes sur les plages

Ces organisations citoyennes font savoir que c’était une bonne décision de fermer le lac momentanément mais que les autorités n’ont pas assez accompagné les pêcheurs dans cette transition. Selon ces organisations toujours, ceci expliquerait les stratégies de pêche illicite mises en place comme conséquence directe du non respect de la fermeture du lac.

Elles pointent également du doigt l’anarchie qui serait déjà présente et observée dans ce secteur, celle de l’absence d’autorité et des règles de surveillance de toute activité sur le lac. Les organisations de pêcheurs déplorent l’attention toute particulière apportée à leurs filets à mailles prohibés plutôt que la restauration de l’autorité et de la surveillance pour interdire toute forme de pêche illicite.

D’après le coordonnateur provincial de la société civile, ce non-respect n’est qu’une conséquence d’une décision non réfléchie et subie par la partie congolaise. Car, il pense qu’avant ces assises, il y aurait une table ronde qui réunirait tous les acteurs qui sont dans le domaine de la pêche, ainsi on sortirait avec une solution qu’on pourrait présenter et s’entendre auprès des autres pays. Malheureusement ce qui n’était pas le cas, parce qu’il estime que la délégation qui était partie représenter le pays n’a jamais réuni personne. Du fait que la société civile n’a jamais été invitée à prendre part à ce genre d’assise. Raison pour laquelle de sa part c’est une surprise et croit que cette délégation est partie représenter la RDC sans un bon soubassement des données scientifiques à convaincre.

Des structures de la société civile œuvrant dans le secteur de la pêche, ont fait des descentes sur différentes plages publiques comme Kamkolobondo, Katibili, Kasenga le 17 mai 2023, deux jours après l’annonce de la fermeture du Lac Tanganyika pour évaluer l’applicabilité de cette décision d’observer la fermeture de pêche pendant trois mois. Leur rapport démontre que sur ces plages publiques la mesure n’a pas été respectée. Les pêcheurs ont avancé le motif que la pêche est la seule activité principale et génératrice de leur quotidien : « avant que le gouvernement Congolais ne prenne cette décision dans la charte régionale de l’autorité du Lac Tanganyika devrait penser aux mesures d’accompagnement. Il ne nous propose rien comme une seconde occupation pendant les trois de fermeture, et nous devrions vivre comment ? » ont déclaré les pêcheurs interrogés sur place.

Pour le président provincial des pêcheurs du Tanganyika, Pierre Kalonda Sadiki, leur résultat a prouvé que les membres de sa structure n’étaient pas prêts à respecter cette mesure :

« On ne peut pas fermer ! Nous, nous continuons de pêcher, puisque c’est trop tôt. Nous, nous sommes des pêcheurs. Ce n’est pas en se réveillant le matin vous fermez lac pendant trois mois, on ne peut pas pêcher. Non ! Nous sommes des responsables et nous payons des taxes. Il faut signaler avant et créer des mesures d’accompagnement« .

La province du Tanganyika par exemple compte plus de 10 000 pêcheurs sur le Lac Tanganyika. Ils s’inquiètent de la continuité de leurs vies et de celles leurs familles en cas de la fermeture du lac Tanganyika. Outre le chômage, les kits de pêche devraient être endommagés, notamment les batteries et les moteurs des bateaux de pêche qui ne peuvent pas résister pendant ce temps.

Le député Katempa Alexis a prédit dans la plénière de vendredi 17 mars 2023, à l’assemblée provinciale du Tanganyika que la fermeture du lac Tanganyika sera une catastrophe pour les pêcheurs et leurs familles, mais également pour le pays à travers les taxes que les communes percevaient sur les activités.

Le lac, un joyau environnemental à préserver

Le Slow Food Tanganyika, est une organisation regroupant les experts en écologie et spécialistes dans le domaine de la pêche. Son rôle est d’apporter assistance au gouvernement dans ce domaine avec des études approfondies sur un sujet qui concerne ses domaines d’intervention. Cette organisation Slow Food Tanganyika avait alerté il y a une vingtaine d’années la communauté des pêcheurs du Lac Tanganyika, les autorités locales, la société civile et toute la population de Kalemie sur le drame qui pointait déjà à l’horizon avec la disparition des espèces du Lac Tanganyika, la pollution des eaux et le déboisement à grand échelle qui se faisait tout autour du lac Tanganyika au vu et au su de tout le monde.

Le lac Tanganyika est le lac le plus profond d’Afrique et le plus grand réservoir d’eau douce de ce continent. Le lac constitue une source de nourriture et de revenus pour des millions de personnes. Gaël Ndenga et Danon Tumba sont ingénieurs spécialistes en écologie au sein de l’organisation Feed Tanganyika, une structure qui a comme champ la pêche et l’élevage. Pour eux, la diminution des poissons s’explique aussi par le dérèglement climatique.

Pour le Slow Food Tanganyika, la fermeture du lac n’était pas une mauvaise chose en soi. Les habitants de Kalemie se souviennent des bienfaits de la fermeture du lac, pendant la guerre meurtrière du RDC/GOMA en 1998. Selon, cette structure qui a comme domaine d’intervention, la pêche et les effets écologiques, le rendement que présente aujourd’hui le Lac Tanganyika n’est pas digne comme avant afin de satisfaire plusieurs acteurs qui se sont investis dans ce secteur de la pêche. Selon elle, il était nécessaire d’observer la mesure de fermeture du Lac Tanganyika pendant ces trois mois : « la production n’est plus comme dans les années précédentes de 2012, et autres, c’est pourquoi d’ailleurs, en 1998, les Congolais ont vu l’importance de fermer le lac Tanganyika. Selon nos recherches démontrent que dans 5 ans de plus dans observer ses mesures, plusieurs espèces de ce lac vont disparaitre complètement ».

Le lac fut fermé pendant environ 4 mois pour des raisons de sécurité ; lors de sa réouverture, nous avions observé une hausse de la capture (toutes espèces de poisson confondues). Tous les pêcheurs peuvent en témoigner : « la fermeture du lac Tanganyika ne doit pas à notre avis être perçue comme un châtiment infligé aux pêcheurs mais plutôt comme l’un des moyens garantissant la bonne gestion des ressources halieutiques du Lac Tanganyika, mais aussi la protection des espèces et la sécurisation du métier de la pêche », ont-ils ajouté.

D’après les propos avancés par l’enseignant du cours de l’écologie animale à l’université de Kalemie, Mr Dano : « les mesures qui peuvent être salvatrices par rapport à la fermeture du lac, c’est de réaliser les études approfondies. Afin d’identifier non seulement les causes de cette baisse significative des poissons dans le lac, mais aussi repérer les zones de frayères et aquatiques, créer des parcs halieutiques et savoir les protéger ».

Une fermeture salvatrice pour les poissons

Nos recherches démontrent que parmi les causes de cette baisse significative des poissons, la déforestation le long du lac, l’habitation de la population congolaise, dans les îles se trouvant dans le lac, qui étaient longtemps inhabitées et considérées comme des réserves pour le lac font que les poissons diminuent dans le lac.

L’ingénieur Kaisavera Serge à l’université de Kalemie en agronomie dans le département d’écologie, indique que cette diminution des poissons observée dans la majeure partie du lac Tanganyika est causée surtout par la pêche des filets à mailles prohibés. Il propose le renforcement des mesures sécuritaires lacustres qui veilleront à arrêter toute pêche illicite.

Il ajoute que la décision prise sur la fermeture du lac Tanganyika est d’une importance capitale, en ce que c’est depuis un temps que l’offre du lac ne répond plus à la demande de la population de tous les pays riverains vue leur démographie . Raison pour laquelle, l’arrêt de cette surpêche contribuerait non seulement à la reproduction des poissons mais aussi à la croissance de certaines espèces.

De son côté, Kaboza Yamba Yamba, expert environnementaliste souligne que cela est aussi lié à la situation géographique du lac qui est en dessous plus de la ville de Kalemie et des autres territoires. Selon lui, le gouvernement du Tanganyika doit mettre en place la politique de gestion des déchets qui contribuent aux conséquences néfastes de la vie des poissons dans le lac. Cet expert veut que les déchets aient une destination fixe autre que le lac Tanganyika.

Les experts en aquaculture disent qu’il y a eu une surpêche dans le lac Tanganyika. Ce qui a engendré une faible production de poisson ; d’où la nécessité de règlementer les activités de pêche dans ce grand réservoir d’eau douce qu’est le lac Tanganyika.

Le gouvernement provincial du Tanganyika avait prévu d’alimenter la ville de Kalemie en produits surgelés comme des poulets ou des chinchards pour pallier le manque des poissons du lac Tanganyika. Un programme qui n’avait pas abouti suite à l’incompréhension avec les structures des pêcheurs qui se sont sentis combattus dans leur activité génératrice, Cependant, souligne-t-il, la ville de Kalemie ne dispose pas de chambre froide.

Le ministre provincial en charge de pêche, agriculture et élevage, Jerry Makanta Kabebe fait savoir ce mardi 19 mars 2024 que la décision avait été respectée en partie par manque des mesures d’accompagnement. Celui-ci confirme qu’il faudrait outiller la force navale pour la surveillance du lac et empêcher toute pêche clandestine.

Par Laurianne SAKINA KAMULETE.

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