Jusqu’à ce jour, il existe encore des Congolais pour vanter les mérites de la Conférence Nationale Souveraine. Que leur dire si on devrait leur parler ?
Partout au monde, quand différentes communautés ou ethnies sont emmenées par les vicissitudes de l’histoire à partager un même territoire, à vivre ensemble et à être représentées par un même législateur, le système politique doit veiller autant que faire se peut à ce qu’elles participent toutes, de manière harmonieuse, à la gestion de l’Etat. Sans cela, on fait le lit des tiraillements, de l’instabilité politique, de la domination d’un groupe sur les autres, avec tous les abus qui s’en suivent, de la confrontation et voire même du séparatisme.
Les exemples abondent pour illustrer de qui est affirmé ci-haut. Ce fut le cas du Royaume d’Orange où deux millions et demi de Hollandais, protestants et riches, dominaient trois millions et demi de Belges, catholiques et moins riches, jusqu’à la révolution de ces derniers qui a donné naissance au Royaumede Belgique. Ce fut le cas de la Belgique où les riches Wallons ont dominé pendant des décennies les pauvres Flamands avant que ces derniers ne trouvent une parade constitutionnelle contre cette injustice. Ce fut le cas de la Yougoslavie et de la Tchécoslovaquie où les Serbes et les Tchèques occupaient respectivement le haut du pavé dans ces deux Etats, facilitant ainsi leur implosion.
Aux frontières du Congo, le Soudan où les chrétiens, au sud, considérés comme des citoyens de seconde zone par leurs compatriotes musulmans vivant majoritairement au nord, ont mené une longue rébellion contre le pouvoir central jusqu’à la balkanisation du pays. Au Rwanda, la démocratisation a abouti à un génocide. En dépit de ses prouesses économiques avérées, l’hégémonie de la minorité tutsie à qui a profité ce crime plante le décor d’autres grands massacres dans le futur. Car, aucune domination n’est éternelle. Au Congo, la Conférence Nationale Souveraine et le Dialogue Inclusif de Sun City n’ont rien fait pour régler cette question uniververselle de la libido dominandi. Pour cette raison, après Mobutu = avant Mobutu.
Pourtant, avec un peu de jugeote, on aurait dû prévoir le désenchantement dès le discours de Mobutu du 24 avril 1990 au lieu de danser le mutwashi avec Tshisekedi wa Mulumba dans la perspective de goûter aux joies de la démocratie. On a beau répéter une erreur plusieurs fois, c’est-à-dire l’absence de réflexion dans la construction de la démocratie dans une société plurale, elle ne se transformera jamais en solution.
Voilà pourquoi, à mon humble avis, la Conférence Nationale Souveraine fut une confusion à l’échelle nationale. Confusion entre la démocratie occidentale et la démocratie tout court. Dès l’instant où l’on parle de démocratie occidentale, cela sous-entend que d’autres formes de démocratie sont possibles et imaginables. Alors, sollicitons nos méninges pour nous tailler notre propre chemin qui nous conduirait à la démocratie.
Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
Écrivain & Fonctionnaire International.